« Consent or Pay » et la loi : ce que les entreprises doivent savoir
L'ICO (Information Commissioner's Office) du Royaume-Uni a publié de nouvelles directives sur les modèles « consent or pay », un cadre dans lequel les utilisateurs consentent à recevoir de la publicité personnalisée en échange d'un accès gratuit à un service, paient pour éviter les publicités ou se désinscrivent complètement.
La question clé est de savoir si le consentement de l'utilisateur dans ces modèles est réellement « librement donné » au sens du Règlement général sur la protection des données (RGPD). L'ICO a défini des critères spécifiques pour déterminer si les entreprises qui mettent en œuvre des modèles de consentement ou de paiement sont conformes, soulignant que ces modèles ne sont pas automatiquement non conformes mais doivent être soigneusement évalués.
Qu'est-ce que le modèle « Consent or pay » ?
Le modèle « consent or pay » est un modèle commercial qui permet aux utilisateurs de choisir la manière dont ils accèdent aux produits et services en ligne, soit en consentant à l'utilisation de leurs données à caractère personnel à des fins de publicité ciblée, soit en payant des frais pour refuser une telle utilisation de leurs données, soit en ne faisant tout simplement pas usage du service. Bien que les lois sur la protection des données n'interdisent pas catégoriquement ce modèle, les entreprises doivent veiller à ce que le consentement de l'utilisateur soit donné librement, en toute connaissance de cause et facile à retirer sans conséquences négatives.
L'approche de l'ICO et les principaux facteurs de conformité
Les directives de l'ICO reconnaissent que les modèles de « consent or pay » peuvent être juridiquement viables, à condition qu'ils remplissent des conditions spécifiques. La préoccupation centrale est de s'assurer que le consentement des utilisateurs est donné sans coercition et que les entreprises n'exploitent pas les déséquilibres de pouvoir.
L'une des principales considérations est de savoir s'il existe un déséquilibre de pouvoir entre l'organisation et ses utilisateurs. Si une entreprise détient une position dominante sur le marché, comme Apple par exemple, les utilisateurs peuvent avoir le sentiment qu'ils n'ont pas d'autre choix que de consentir, ce qui rend leur choix moins que volontaire. De même, si les utilisateurs sont en situation de vulnérabilité, en raison de leur âge, d'un handicap ou de contraintes financières, leur capacité à faire un véritable choix est compromise. Dans de tels cas, les entreprises devraient envisager de proposer des options supplémentaires, telles qu'une alternative à moindre coût qui repose sur des méthodes publicitaires moins invasives.
L'ICO souligne également que les frais imposés pour un accès sans publicité doivent être appropriés. Ils doivent refléter la valeur que les utilisateurs accordent à la protection de leurs données personnelles, et ne pas être prohibitifs, ce qui pourrait inciter les utilisateurs à donner leur consentement contre leur véritable préférence. Bien que l'ICO ne fixe pas de prix fixe, les entreprises doivent justifier soigneusement leurs modèles de tarification et veiller à ne pas forcer indirectement le consentement.
En outre, les entreprises doivent veiller à ce que le service de base reste équivalent pour les utilisateurs payants et ceux qui consentent à la publicité. Si ceux qui choisissent de payer reçoivent un service de qualité inférieure à celui des utilisateurs qui optent pour des publicités personnalisées, cela pourrait remettre en cause la validité de leur consentement.
La transparence est un autre facteur crucial. Les entreprises doivent communiquer clairement ce que chaque option implique afin que les utilisateurs puissent prendre une décision éclairée. Des formulations trompeuses telles que « continuer à lire gratuitement » sans clarifier les implications pour l'utilisation des données ne répondent pas aux normes de l'ICO en matière de consentement éclairé.
En quoi l'approche de l'ICO diffère-t-elle de celle de l'UE ?
La position de l'ICO est nettement plus souple que celle du Comité européen de la protection des données (EDPB), qui s'est montré plus sceptique à l'égard des modèles « consent or pay », en particulier pour les grandes plateformes en ligne. L'EDPB a adopté une approche plus stricte, soulignant que les utilisateurs devraient disposer de véritables alternatives qui ne nécessitent pas de paiement ou de collecte de données à grande échelle. En revanche, l'ICO considère qu'il est possible de se conformer à la réglementation tant que les entreprises garantissent un choix juste et transparent aux utilisateurs.
Cette divergence met en évidence la manière dont les entreprises britanniques opérant dans les deux juridictions doivent composer avec des attentes réglementaires différentes. Alors que l'ICO est ouverte aux modèles « consent or pay » bien conçus, les organisations ciblant les utilisateurs de l'UE doivent adopter une approche plus prudente afin d'éviter d'éventuelles mesures coercitives de la part des régulateurs européens.
Ce que cela signifie pour les entreprises
Les entreprises qui utilisent ou envisagent d'utiliser des modèles de « consent or pay » doivent revoir leur approche à la lumière des critères de l'ICO afin de garantir leur conformité. Elles doivent procéder à des évaluations détaillées afin d'identifier et de corriger les éventuels déséquilibres de pouvoir, et documenter ces évaluations afin de justifier leur approche en cas de contrôle réglementaire. Il est essentiel de garantir des mesures de transparence solides afin que les utilisateurs comprennent parfaitement leurs choix. Il doit également exister un mécanisme simple permettant de retirer son consentement, conformément aux exigences du RGPD. Les principes de respect de la vie privée dès la conception doivent être intégrés dès le départ, de sorte que les considérations relatives à la protection des données fassent partie intégrante du modèle de service et ne soient pas considérées comme une réflexion après coup.
Voici quelques autres considérations :
1. Expérience utilisateur et confiance : les entreprises doivent veiller à ce que le choix entre consentir ou payer ne soit pas ressenti comme un compromis forcé. Un processus de consentement bien conçu et convivial renforce la confiance et la réputation de la marque.
2. Concurrence sur le marché et alternatives : si un service est essentiel (comme l'actualité, les soins de santé ou l'éducation), il n'est pas juste de faire payer pour la protection de la vie privée. Les entreprises doivent évaluer si les utilisateurs disposent d'autres services raisonnables qui ne reposent pas sur un modèle de consentement ou de paiement.
3. Divergence réglementaire (Royaume-Uni vs UE) : Alors que l'ICO a adopté une approche flexible, les régulateurs européens, comme l'EDPB, sont plus sceptiques. Les entreprises opérant dans plusieurs juridictions doivent s'assurer que leur modèle est conforme aux différentes normes juridiques.
4. Impact sur les revenus et les modèles publicitaires : Les entreprises doivent évaluer si le passage à un cadre de consentement ou de paiement affectera leurs revenus publicitaires ou l'adoption d'abonnements. Il est essentiel de comprendre le comportement des utilisateurs et leur volonté de payer.
5. Mise en œuvre technologique : les entreprises doivent s'assurer que leurs plateformes peuvent gérer correctement les choix de consentement des utilisateurs, stocker les préférences en toute sécurité et permettre un retrait facile du consentement, tout en respectant les lois sur la protection des données.
6. Équité et accessibilité : si les frais de désactivation des publicités sont trop élevés, le modèle pourrait avoir un impact disproportionné sur les utilisateurs à faibles revenus, ce qui soulève des préoccupations éthiques et de conformité. Les entreprises doivent évaluer si la tarification est équitable et ne crée pas de charge excessive.
7. Durabilité à long terme : Les attentes des utilisateurs en matière de confidentialité évoluent. Les entreprises doivent élaborer des modèles de consentement adaptables, capables de résister aux changements futurs, qu'ils soient d'ordre juridique ou dictés par les consommateurs.
Alors que l'ICO prévoit de nouvelles mesures pour donner aux utilisateurs un plus grand contrôle sur leurs données, les entreprises doivent anticiper les changements réglementaires. Celles qui n'aligneront pas leurs modèles sur les lois de protection des données s'exposent à des mesures coercitives, à une atteinte à leur réputation et à d'éventuelles poursuites judiciaires.
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Article de Nathalie Pouderoux, Consultante pour Gerrish Legal